jeudi 4 mai 2017


INSA de Lyon – INSA Lyon 5717 – Chapitre 5-2 : Commentaires


Pour compléter les propos de M. le Professeur Jean-Marie Reynouard, directeur de la Recherche pendant les deux mandats de M. le Professeur Alain Storck,  il  faut signaler que la politique de fusion des laboratoires de recherche avait commencé sous la direction de M. Joël Rochat avec des moyens de persuasion édifiants. Le Laboratoire de Mécanique des Solides a du fusionner avec le Laboratoire de Mécanique des Contacts sous la contrainte suivante : si vous restez indépendant, les postes libérés par les départs à la retraite seront affectés à d’autres entités quels que soient vos besoins de formation et de recherche. Cet argument peut convaincre les plus réticents à la mode du big is beautiful…. Le problème des fusions de laboratoires avait et a toujours deux volets : l’importance  à accorder à la mission formation, et la différence de « culture »  entre les équipes concernées.
Avec l’apparition de laboratoires multi-départements ou multi-établissements, on a démarré la désagrégation du lien des enseignants-chercheurs avec leur département. A moyen terme, les personnels se centrent sur leur activité de recherche pour grimper le plus vite possible dans leur carrière, et satisfaire les critères quantitatifs de production scientifique. L’activité d’enseignement devient secondaire, voire embarrassante, et l’implication dans les responsabilités collectives nécessaires à la bonne marche des départements se perd notablement. La soi-disant structuration de la recherche entraine peu à peu le délitement des départements de formation. L’ambiance de travail pédagogique devient peu à peu  aussi anonyme que dans les universités. Une proportion de plus en plus grande d’enseignants vient remplir les obligations de service entre deux articles scientifiques en préparation puis repart dans les laboratoires sans participer à la vie de la formation des étudiants.  Et tout cela en harmonie avec l’inflation dialectique du nouveau culte de l’excellence insufflé par les politico-technocrates du ministère de tutelle. L’esprit critique n’est plus d’actualité pour évaluer les conséquences des évolutions avant de les mettre en place.
         Les différences de culture entre équipes de recherche ont eu pour effet de conduire à des fusions formelles. Le nouveau laboratoire prôné par la direction n’était souvent que la juxtaposition de plusieurs équipes qui sont restés indépendantes avec une très faible synergie. Les sujets de recherche étaient souvent complètement différents sans aucune concurrence, ni possibilité de travail commun. La pluridisciplinarité a été rarement exploitée malgré les incitations du CNRS. Il y avait une sorte de « complémentarité » fortuite, chaque équipe vivant dans des mondes scientifiques différents. Le point commun de passage n’était que la partie administrative de la recherche : les bilans et autres contraintes bureaucratiques statutaires des directions de laboratoire ainsi que les comités de direction hebdomadaires pour les pauvres représentants qui devaient y siéger.  Chaque équipe a conservé ses fonctionnements propres notamment en gestion des crédits et des conventions de développement ou d’études. Dans les fusions, les points de friction ont été évités et la perte principale n’a été longtemps que le nom de l’ex laboratoire et son histoire. Avec le renouvellement des personnels, les organisations ont évidemment évolués mais les frontières entre ex laboratoires restent visibles en raison des spécialisations thématiques. Il reste à prouver que les gros labos ont une production scientifique supérieure aux ex petits laboratoires, en qualité et en quantité,. La recherche de la visibilité par la quantité dans les classements nationaux ou mondiaux n’est pas une garantie d’amélioration de la performance scientifique et, a priori, personne ne s’est posé la question des conséquences sur la qualité du diplôme des étudiants-ingénieurs. La formation par la recherche n’étant pas une garantie en la matière. En cas de doute, il suffit de regarder le niveau des bachelors et masters anglo-saxons.
           Les fusions ont un intérêt s’il y a des synergies possibles et des économies d’échelle, sinon elles n’apportent pas grand-chose. Plus de dix ans après le début de la structuration, il serait temps de faire un bilan plus poussé que le comptage de la diminution du nombre de laboratoires. Est-ce que le tout a conduit à de meilleurs résultats que la somme de chaque partie ?


Pendant le second mandat de M. le Professeur Alain Storck, deux filières de formation par alternance ont vu le jour. GMPPA qui fait l’objet d’une présentation vidéo et anecdotique dans le chapitre 5 du document 5717.insa-lyon. Cette évolution notable de la formation INSA aurait mérité plus d’attentions en regard des difficultés rencontrées pour créer et gérer les deux premières filières de formation par apprentissage.
         La première qui a vu le jour était souhaitée par la Direction de la Formation depuis l’adossement de l’ex Ecole Supérieure de Plasturgie. Elle a été montée avec des partenaires dynamiques et très coopératifs : les responsables du Centre Inter Régional de Formation Alternée de la Plasturgie. Les deux obstacles principaux à la création de la filière Génie Mécanique et Procédés Plasturgie par apprentissage ont été, d’une part la réticence des enseignants et enseignants-chercheurs des filières « classiques », et d’autre part la levée de bouclier des autres établissements d’enseignement supérieur de la région Rhône-Alpes. Ces derniers, représentés dans la commission d’agrément du Conseil Régional, se sont opposés à l’entrée d’un nouvel établissement sur le créneau de financement de la formation par alternance. Les représentants des industriels connaissant les besoins en ingénieurs de la plasturgie ont défendu le projet qui a été finalement validé sans problème.
              Les réserves des collègues enseignants et enseignants-chercheurs concernaient la qualité académique des étudiants recrutés directement en 3° année du cycle ingénieurs et le niveau réel de la formation car l’objectif était de délivrer le même diplôme que celui de la filière classique correspondante et non une peau d’âne de qualité différente. La sélection à l’entrée a été délicate les premières années, la qualité a été préféré à la quantité, les promotions étaient limitées à 12 étudiants maximum. Avec une formule cours-travaux dirigés sur un petit groupe, l’encadrement pédagogique était très supérieur à celui des filières classiques et permettait un suivi individualisé des étudiants. Les craintes relatives au niveau de la formation étaient a priori justifiées par la limitation à 600 heures/an  de face à face pédagogique, volume maxi imposé par la Commission  des Titres d’Ingénieur, soit un total de 1800 heures sur les trois ans pour garantir un mi-temps en entreprise. Ce chiffre est à rapprocher des 900 heures/an des filières classiques, mais en retirant le semestre académique du stage industriel, le temps passé sur le projet de fin d’études, et tous les projets des deux premières années de Génie Mécanique, on retombe sur une quantité d’heures accordée aux enseignements théoriques voisine ou supérieure à celle assurée dans les filières classiques. En fait,  le défi de ces filières se situe au niveau de la qualité pédagogique des enseignants qui sont recrutés. Ils doivent être capables de s’adapter à un public d’origine hétérogène et très différent de celui du premier cycle INSA ou des classes préparatoires aux grandes écoles.
         La seconde filière de formation par alternance mise en place a été Génie Mécanique Conception et Innovation de Produits, GMCIP, la déclinaison de GMC par Alternance concoctée avec l’Institut des Techniques d’Ingénieurs de l’Industrie de Lyon (ITII) et le CFA de la Métallurgie Rhodanienne. On notera que, dés 2009, la dialectique de l’innovation était déjà une préoccupation concrète dans les syndicats professionnels alors que la "Pré-Fabrique" de l’Innovation de l’Université de Lyon n’a vu le jour à St Etienne qu’en 2016 puis à Lyon en 2017. Le programme de GMCIP a inclus dés son ouverture en 2011 un module de gestion de l’innovation, conçu et assuré par le spécialiste INSA de la question, M. le Maître de Conférences Jean-Pierre Micaeli, ex-directeur du centre des Humanités.
             La préparation de l’ouverture de cette nouvelle filière a été globalement plus facile que la première. GMPPA avait tracé le sillon au sein du département GMC. La principale difficulté a été d’obtenir le feu vert du Syndicat de la Métallurgie Rhodanienne, la branche locale de l’UIMM,  qui formait depuis de longues années des ingénieurs par alternance avec des partenariats entre l’ITII de Lyon, l’Ecole Catholique des Arts et Métiers, et CPE. La surprise a été de découvrir  qu’il y avait un gros contentieux entre le service Formation de la Métallurgie Rhodanienne et la Direction de l’INSA de Lyon… En 2006, peu avant la campagne de renouvellement de son mandat. M. le Professeur Alain Storck avait été contacté par la Métallurgie Rhodanienne pour reprendre la formation d’ingénieurs par alternance en Génie Electrique qui était  assurée initialement par le CESI. Cette officine de formation faisait du chiffre pour se maintenir à flot, sans préoccupation de la qualité des candidats recrutés. L’INSA de Lyon a refusé ce cadeau car le sujet était trop sensible pour la direction en période électorale, les mentalités n’étaient pas prêtes à sauter le seuil psychologique de la formation par alternance et de la collaboration avec une structure patronale. Ce cadavre est ressorti du placard en 2009 lors de la préparation du dossier de création de la filière GMCIP. Le terrain était fondamentalement défavorable avec la concurrence potentielle entre l’INSA de Lyon et l’Ecole Catholique des Arts et Métiers qui proposait aussi des formations en Génie Mécanique. Il a fallu prouver que le profil proposé était complémentaire et non concurrent de la filière existante. Celle-ci était orienté génie industriel et non conception de machines et produits. L’argument déterminant qui a permis d’emporter l’adhésion de la Métallurgie Rhodanienne a été la nature du diplôme délivré, le même que celui de la filière classique. La plupart des filières par alternance délivre un diplôme spécial pour les apprentis, évidemment sous-coté. Le vrai défi fixé au département GMC par la Métallurgie Rhodanienne a été d’une autre nature, il nous a été demandé de recruter des étudiants issus des classes de techniciens supérieurs. Pour répondre à cet impératif, nous avons mis en place un programme passerelle avec l’aide du Centre Diversité et Réussite de l’INSA, quelques lycées de l’Académie de Lyon et des Inspecteurs Pédagogiques Régionaux  particulièrement dynamiques. Ce programme comportait la sélection des meilleurs candidats à la poursuite d’études par leurs professeurs de TS et des semaines de remise à niveau pendant les congés scolaires. Les lacunes en mathématique accumulées par les élèves depuis le secondaire étaient le principal problème à régler pour leur donner une chance de réussite en cycle ingénieurs. Le recrutement en admission directe en 3° année GM des meilleurs brevets de techniciens supérieurs avait été abandonné dès le début des années 2000 après des échecs déplorables dus au manque de base en mathématique, les deux années de premier cycle ne sont pas inutiles….
Après cette préparation difficile, le travail avec l’ITII de Lyon s’est révélé un véritable plaisir avec des professionnels de la communication et de l’organisation. Les collègues de cet établissement nous ont apporté leur grande expérience dans la déclinaison des compétences associées aux connaissances. Ils nous ont permis de nous initier à cette dialectique particulière et de présenter les dossiers selon les nouveaux canons en vigueur à différents échelons des tutelles. Par ailleurs, on a pu constater que le site web présentant, entre autres choses, la filière GMCIP était d’une qualité graphique qui fait ressembler celui de l’INSA à un faire-part de décès, l’accueil ne provoque pas d’emblée le syndrome de la page grise.  Il y aurait un exemple à suivre aussi en matière de présentation des informations… La qualité de la documentation papier pour les salons est aussi exemplaire avec une réactivité extraordinaire malgré la quantité de formations gérées. La gestion des candidatures avec des dossiers extrêmement faciles à consulter est remarquable, il en est de même pour la gestion des contrats d’embauche avec les entreprises accueillant les apprentis. Et tout ceci sans aucun comportement bureaucratique et un minimum de procédure. Un autre monde très intéressant à observer où l’organisation semble être horizontale avec beaucoup d’initiatives complémentaires. Le département GMC n’a pas eu à créer une structure particulière pour gérer la filière GMCIP, il a pu lui consacrer entièrement sa vocation première : la formation.

Cette introduction, à retardement…,  de la formation par alternance est un élément positif du second mandat de M. le Professeur Alain Storck. Il a beaucoup délégué pour la mise en place des filières GMPPA et GMCIP, c’est sans doute pour cela que les projets ont pu être conduits rapidement. Cette introduction rapide aurait pu être complétée au niveau de la direction, par une reconnaissance statutaire, d’une part en introduisant des représentants élus et de droit dans les entités de tutelle que sont leurs départements d’accueil, et d’autre part en définissant leurs règles de fonctionnement dans les statuts de l’établissement afin d’assurer leur pérennité indépendamment de décisions plus ou moins personnelles et conjoncturelles.  Ce point est essentiel notamment pour la gestion des crédits des filières de formation par alternance qui sont en totalité versés par des organismes extérieurs aux tutelles de l’INSA. Le flou sur ce point est une source potentielle de conflit d'une part au sein des départements et d'autre part entre les départements et la direction à la recherche de ressources.
Le second raté ou finalisation incomplète de la création des filières par alternance a été l’absence totale de politique de recrutement de nouveaux enseignants ou enseignants-chercheurs. L’équilibre budgétaire des filières GMPPA et GMCIP a été prévu pour embaucher en CDD de nouveaux collègues afin de respecter une des règles de fonctionnement de l’apprentissage : ce type de formation ne doit utiliser aucune des ressources du ministère de tutelle. Elle doit donc assurer totalement la rémunération de tous ses personnels sans utiliser les postes des fonctionnaires à l’exception d’un faible quota d’heures complémentaires pour les enseignants et enseignants-chercheurs.  La masse salariale disponible permet de recruter entre 6 et 10 enseignants ou enseignants-chercheurs, un facteur de croissance non négligeable pour des équipes pédagogiques du département GMC. Facteur qui aurait pu être amplifié avec la participation des laboratoires en proposant des postes de maitre de conférences en CDD. Rien n’a été fait par la direction pour démêler les imbroglios juridiques et trouver une solution « légale » à l’embauche de chercheurs sous contrat ayant des missions d’enseignement. L’INSA de Lyon aurait pu permettre à de nouveaux docteurs de commencer une carrière universitaire avec une visibilité à trois ou six ans, temps suffisant semble-t-il pour constituer un bon dossier de candidature à la titularisation. Cette possibilité de développement n’a pas été saisie à l’époque de la création des filières par alternance, et il est regrettable de constater que depuis plus de cinq ans la situation n’a pas évolué sur ce point. L’espoir d’une solution  lors du futur passage aux Responsabilités et Compétences Elargies n’est qu’un prétexte pour  botter en touche à l’aube de l’ouverture d’une cinquième filière par apprentissage.
         Les membres internes du Conseil d’Administration de l’INSA de Lyon étaient très réservés sur cette ouverture de filières financées en grande partie par le secteur privé bien que les crédits alloués proviennent en partie de la taxe d’apprentissage versée directement aux CFA. Au démarrage de GMPPA et GMCIP, le Conseil d’Administration s’est intéressé à juste titre des conditions d’ouverture et de fonctionnement des filières par apprentissage. On peut se demander si ce contrôle tout à fait légitime a été exercé correctement sur la création des filières des départements GE et TC. On reviendra sur cette question dans le chapitre consacré au premier mandat de M. le Docteur Eric Maurincomme.


Professeur Jean-Claude Boyer
Ex Directeur du département GMC

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